1358/ La Grande Jacquerie

 

Au XIVe siècle, les soulèvements paysans étaient dénommées des « effrois » ; cependant, le mot « jacques » était déjà le sobriquet que les nobles donnaient aux paysans. Le terme de « jacquerie » a été utilisé pour la première fois en 1572 par Nicole Gilles pour désigner le soulèvement, bref mais extrêmement violent et meurtrier, des paysans du nord du Bassin parisien (fin mai-fin juin 1358).

Mouvement sans orientation politique, marqué par la haine du noble, la Jacquerie de 1358 ne s'est pas attaquée aux structures de la société.

 

La bataille de Poitiers de 1356 permet aux Anglais de prendre un avantage certain au cours de la guerre de Cent Ans. Le roi de France Jean II le Bon est même capturé.

 

La Grande Jacquerie éclate à la fin du mois de mai 1358, peut-être le 28, à la frontière entre l'Île-de-France et le Clermontois et plus particulièrement dans un petit village appelé Saint-Leu-d'Esserent. La principale troupe paysanne est écrasée les 9 et 10 juin près de Mello par l'armée de nobles rassemblée par Charles le Mauvais, roi de Navarre.

 

Les origines immédiates de cette révolte sont mal connues mais semblent résulter d'échauffourées survenues entre des hommes d'arme et des paysans. De façon plus générale, cette révolte s'inscrit dans le contexte difficile de la guerre de Cent Ans, assombri depuis 1348 par la Peste Noire. La noblesse, après les défaites de Crécy en 1346 et de Poitiers en 1356, est déconsidérée. Le roi Jean est prisonnier des Anglais et le Royaume connaît une grave crise politique. Les grandes compagnies, lorsqu'elles ne guerroient pas pour l'un ou l'autre des partis, pillent les villages et rançonnent les villes. Au-delà, la pression fiscale, due au versement de la rançon du roi, la mévente des productions agricoles placent les paysans dans une situation intolérable qu'aggravent les exigences des seigneurs qui cherchent à compenser l'effondrement de leurs revenus.

Étienne Marcel, prévôt des marchands de Paris en lutte contre le pouvoir royal, entretient sciemment l'agitation, offrant même l'alliance de la capitale aux Jacques avant de changer de camp et de s'allier aux nobles rassemblés par Charles de Navarre.

Quelle que puisse être l'étincelle qui déclenche la révolte, celle-ci est tout de suite décrite avec horreur sous le terme d'« effrois » et enflamme, de proche en proche, la moitié nord du pays. Les chroniques du temps dressent un catalogue des violences antinobiliaires qui se déchaînent alors sur le pays.

Début 1358, cependant que les Anglais ravagent les environs de la capitale, Étienne Marcel semble prendre l’avantage à Paris.

Le 22 février, à la tête d’une foule d’émeutiers, il investit le palais du Dauphin, pénètre dans sa chambre, massacre deux de ses conseillers et l’oblige à revêtir le chaperon rouge et bleu de la bourgeoisie.

Le Dauphin est désormais le prisonnier des bourgeois, obligé de gouverner avec un conseil comprenant Étienne Marcel. Il ne s’y résout pas et parvient à s’échapper de la capitale.

En province, Charles enregistre les ralliements, et se prépare à affronter un Étienne Marcel incapable de trouver des alliés et abandonné par Charles le Mauvais. Dos au mur, le prévôt se joint aux paysans révoltés contre les nobles (c’est ce qu’on a appelé « la Grande Jacquerie »). Leur armée improvisée est toutefois défaite.

Assassinat d'Étienne Marcel par Jean Maillard, 31 juillet 1358 (Chroniques de Froissart, , XV e siècle).

 

Suite à ces échecs, les partisans du prévôt l’abandonnent. Le siège de la municipalité est finalement pris d’assaut dans la nuit du 31 juillet 1358, et lui-même est tué. Le lendemain, le dauphin et régent peut entrer triomphalement dans Paris, ayant sauvegardé le pouvoir royal.

L'issue de la révolte, une forme de contre-jacquerie, fut marquée par une grande violence qui marqua autant les contemporains que celle commise par les paysans.

Après avoir exterminé bon nombre de révoltés, le comte de Foix et le captal de Buch, Jean de Grailly, assiégèrent la ville de Meaux dont quelques quartiers furent incendiés. De son côté, Charles le Mauvais participa à la répression et, le 9 juin lors du carnage de Mello, mit fin à la révolte à grands renforts d'atrocités. 

Gaston Fébus et Jean de Grailly chargent les Jacques et les Parisiens qui tentent de prendre la forteresse du marché de Meaux où est retranchée la famille du Dauphin. (9 juin 1358). Jean Froissart, Chroniques. Miniature du XVe siècle.

Le chef des révoltés, Guillaume Carle, ayant reçu l'assurance d'une trêve et d'une rémission, fut entraîné par traîtrise dans le camp des nobles où il fut supplicié et décapité. Cependant, par la suite, une certaine clémence royale se manifesta envers les principaux meneurs sous la forme de « lettres de rémission » qui constituent une autre source pour l'histoire de la Jacquerie.

Au-delà d'un refus de la pression fiscale, la révolte de 1358 peut se lire comme l'expression d'une revendication à la dignité de la part des masses paysannes et d'une perte de légitimité de la noblesse. Clairement, ce sont les nobles et le régime seigneurial en crise qui sont visés tandis que les habitants des petites villes comme Senlis sont plutôt favorables aux Jacques.

 

La Jacquerie devait profondément marquer les esprits et son nom a été retenu pour désigner toute révolte paysanne.