1675/ Révolte du papier timbré

 

La Révolte du papier timbré est une révolte antifiscale d’Ancien Régime qu'a connue l’Ouest de la France, sous le règne de Louis XIV (d’avril à septembre 1675).

En 1674, Louis XIV, est obligé de prélever de nouveaux impôts pour financer la guerre de Hollande.  

« L'injustice », peinture allégorique de la révolte par Jean-Bernard Chalette (1676): l'impôt est représenté sous la forme d'un char tiré par deux tigres et conduit par un diable, sur lequel se trouve le duc de Chaulnes avec à ses pieds des sacs d’or, des coffres de bijoux et de pierres précieuses, et du papier timbré au-dessus de la roue.

À droite, les allégories de la Justice et la Paix, assises devant un temple, détournent le regard. À gauche, la ville de Rennes est envahie par les flammes de l'Enfer.

Le 18 avril 1675 éclate à Rennes une violente révolte contre la mise en place du monopole sur la vente du tabac. Elle débouche rapidement sur une remise en cause de toutes les nouveautés fiscales récemment établies pour financer la guerre de Hollande (1672-1678), en particulier la taxe sur le papier timbré. Dans les jours qui suivent, des secousses secondaires apparaissent à Saint-Malo (19 avril), Nantes (22 avril, 3 mai) et Guingamp (20 mai). Partout, les émeutiers réclament le même régime qu’à Bordeaux où, au terme de trois jours d’émeutes très violentes (27-29 mars), le pouvoir a accepté de retirer toute une série d’impôts.

Un exemple d'un des premiers actes produits sur papier timbré à Quimperlé (9 avril 1674, inventaire après décès rédigé par la juridiction de l'abbaye Sainte-Croix de Quimperlé)

 

Craignant une contagion au reste du pays, où des signes inquiétants se font jour, le roi décide cette fois de ne pas céder. L’envoi de quelques troupes en Bretagne est décidé début mai pour punir les révoltés. La peur créée par cette annonce incite les autorités locales à sévir, afin d’éviter la venue indésirable des soldats. La ville reste néanmoins agitée et le bureau du papier timbré est à nouveau attaqué le 17 juillet, mais l’émeute fait cette fois long feu.

 

Dans le même temps, la contestation gagne les campagnes du Sud-Ouest et de Cornouailles :

la prompte intervention de l’armée met fin aux troubles en Guyenne, mais l’absence de réaction en Bretagne permet au mouvement de s’étendre et de déborder sur le Léon, le Trégor et le Vannetais. Ceux que l’on appellera bientôt « les bonnets rouges » s’en prennent comme en ville aux nouveaux impôts et profitent en outre du rapport de force favorable pour obtenir des seigneurs des aménagements de rentes. Quelques châteaux et presbytères sont pillés. Le 2 juillet, les révoltés du pays bigouden proclament l’abolition des impôts nouveaux et des abus seigneuriaux dans un texte resté célèbre sous le nom de « code paysan ».

Chaulnes demande à Louis XIV l’envoi de troupes. Quelques individus sont exécutés ou envoyés aux galères, tandis que le corps de Le Balp est exhumé pour être supplicié. Des clochers du pays bigouden sont arasés. La répression reste pourtant modérée pour des raisons d'intérêt : dans cette Basse-Bretagne sous-militarisée, les autorités comptent sur les paysans pour servir en cas de tentative hollandaise de surprendre Brest.

C’est à Rennes, où il entre le 12 octobre, que Chaulnes est le plus rude. Plusieurs membres des milices bourgeoises sont exécutés, afin de montrer que l’usage de la force ne peut se faire sans l’aval du pouvoir royal. Le faubourg (rue de Saint-Malo) jugé le plus turbulent est évacué. La ville en son entier est punie par le transfert du parlement à Vannes. Rennes perd 20% de sa population. Aux Etats de Bretagne, le roi est intraitable sur la question fiscale, mais sait aussi se faire arrangeant pour les notables grâce auxquels il tient la province. En février, une amnistie est proclamée, qui exclut néanmoins plusieurs dizaines d’individus trop compromis et encore recherchés, signe tant de la dureté de l’Etat Louis XIV que de son impuissance à sévir. 

La Bretagne doit subvenir entièrement aux besoins des troupes de répression, puis d’une armée de 20 000 hommes (ce dernier point en représailles aux doléances des États de novembre 1675). Le 5 février 1676, Louis XIV accorde son amnistie, avec plus de cent cinquante exceptions réparties dans presque toute la Basse-Bretagne.